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Des émissions de gaz à effet de serre produites par le fonctionnement de nos data centers à l’augmentation du volume de déchets électroniques, doublés par l’obsolescence programmée, en passant par la destruction d’écosystèmes pour la production de terminaux… Les pollutions engendrées par le numérique sont aujourd’hui aussi protéiformes que nombreuses.
La décarbonisation du numérique est devenue un des enjeux majeurs de notre époque connectée. Si des initiatives sont prises, certaines grandes entreprises du numérique freinent le processus. Alors, décarbonisation du numérique, où en est la France ?
La décarbonisation du numérique, une nécessité en 2022
Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), le numérique est responsable de 3,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). Et cela n’est pas près de s’arranger… Certains spécialistes craignent que ce chiffre double d’ici à 2040.
Parmi les grands postes de pollution, les data centers. Ces serveurs dans lesquels sont stockées et traitées de précieuses données (datas) en temps réel, 24h sur 24, et qui consomment BEAUCOUP d’électricité. L’autre grand gouffre, c’est l’ensemble de canaux sous-marins grâce auxquels nous nous connectons tous à Internet. C’est bien simple, près de 30 % des émissions de gaz à effet de serre émises par notre consommation du numérique proviennent de ces infrastructures nécessitant de nombreux engins sophistiqués et ressources pour leur mise en place et manutention.
Mais ce n’est pas tout…
Avant leur utilisation, c’est bien la production de nos terminaux qui polluent la planète et qui pèsent lourd en carbone. La fabrication de nos appareils tels que nos pc, smartphones et autres objets connectés impliquent bien souvent des procédés, comme l’extraction de métaux, et des moyens de transport polluants, comme le bateau et l’avion. Viennent ensuite leurs destructions qui engendrent des déchets bien souvent peu recyclables et parfois exportés à l’autre bout du monde dans des décharges à ciel ouvert.
Car plus nos technologies évoluent vite, plus nos usages se multiplieront, et plus nous polluerons. On pense par exemple au développement de l’Intelligence Artificielle (IA) et du déploiement de la 5G, qui nous inciteront à utiliser et produire des terminaux encore plus poussés, et donc plus gourmands. Il faut donc agir vite.
Le numérique responsable de 7 % des gaz à effet de serre en 2040
Les grandes entreprises le visent toutes : le “Net Zero” ou la “neutralité carbone”, soit l’équilibre entre émissions et absorptions grâce à des émissions de gaz à effet de serre aussi proches que possible de zéro.
Dans le milieu de l’informatique, on prône le “Green IT”, ou le “numérique responsable.” Mais passer du discours aux actes semble difficile. Pire encore, certains géants du web surfent sur le green washing et protègent leur réputation en falsifiant des déclarations relatives à leurs empreintes carbone. Selon l’Université technique de Munich, IBM, Google et SAP auraient par exemple largement sous-déclaré leurs émissions de gaz à effet de serre avec des données “inexactes”. L’enquête, menée auprès de 56 entreprises, a révélé que plus de la moitié des sondées présentaient des rapports d’émissions moyens “incohérents”.
Selon l’ADEME, 10 % de l’électricité mondiale serait dédiée au secteur du numérique et, en France, le numérique serait responsable de 2 à 3 % des gaz à effet de serre. Un chiffre qui pourrait passer à 7 % d’ici à 2040, avec pas moins de 24 millions de tonnes équivalent carbone.
Pour s’éloigner de ce scénario catastrophe, des initiatives concrètes ont été lancées dans le pays. Une loi a ainsi été promulguée en novembre 2021. Son but ? Responsabiliser et contraindre les chefs d’entreprise, consommateurs et acteurs publics à prendre des mesures pour minimiser leur impact sur l’environnement avec des usages plus responsables. Au menu, notamment : une formation à la sobriété numérique dès le plus jeune âge, la mise en place d’un nouvel observatoire des impacts environnementaux du numérique, la lutte contre l’obsolescence logicielle et, à partir de 2025, l’obligation pour les communes de plus de 50 000 habitants d’élaborer une stratégie numérique responsable…
La fin de l’obsolescence programmée et des serveurs verts, les nerfs de la guerre
En France, la décarbonisation du numérique pourrait s’articuler sur deux axes principaux : la lutte contre l’obsolescence programmée et la mise sur pied de datacenters plus durables.
- Poursuivre notre lutte contre l’obsolescence programmée
Il s’agit ici de consommer moins et consommer mieux. Car lorsque l’on jette un support, on jette généralement des matières difficilement recyclables à l’instar du tantale, du germanium ou encore de l’indium. Alors le volume de nos déchets numériques doit absolument réduire. Et cela passe par la fin de l’obsolescence programmée et l’achat d’appareils reconditionnés. Et, bonne nouvelle, tout cela est déjà bien en route. En 2015, la France était en effet devenue le premier pays au monde à interdire cette pratique. Et, depuis 2021, nos ordinateurs présentent un “indice de réparabilité”. Une petite étiquette colorée qui présente une note sur 10 permettant de savoir à quel point le terminal sera facile à réparer. En clair, plus l’indice est élevé, plus c’est facile à réparer ! Un moyen de limiter les achats et faire durer nos objets.
- Mettre en service des serveurs plus responsables
La décarbonisation du numérique ne peut se faire sans un travail sur les data centers. Selon un rapport d’information publié par le Sénat en 2020, ces derniers représentaient en France en 2019, 14 % de l’empreinte carbone du numérique dans le pays. C’est ici le nerf de la guerre de la décarbonisation du numérique. Certaines collectivités locales et entreprises, comme la SNCF, misent sur des serveurs innovants, définitivement plus verts. Plus petits, moins loin et surtout moins énergivores, les datacenters de demain servent aussi de chauffe-eau ou sont couplés à des unités de méthanisation. Et la France a de quoi s’inspirer de ses voisins européens. On ne compte plus, par exemple, les serveurs s’appuyant sur les énergies renouvelables et l’hydrogène vert, à l’image de l’opérateur de datacenters néerlandais NorthC.
Au vu des initiatives actuelles, la question n’est donc pas la faisabilité de ces projets, mais bien la compétitivité. L’enjeu de demain sera en effet de décarboner le numérique tout en restant hautement performant.
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